Le « Bristol Peak Oil Report »

de dans Sujets divers Pas encore de commentaire , , , , , ,

Bristol/Toulouse, des villes comparables  mais un fossé dans l’approche post-pétrole !

A lire à tout prix !

Saviez-vous qu’on anticipe des émeutes de la faim, en ce début du 21 ° siècle, dans la 6e économie mondiale, et que des villes importantes s’activent pour limiter les conséquences sociales majeures liées aux crises énergétiques à venir ?

Cette note présente le « Bristol Peal Oil Report » [1],  un document officiel d’une ville anglaise de 430.000 habitants publié récemment.  Cette note expose le contexte de ce rapport, le résume en quelques lignes et essaie de montrer les différences profondes d’appréciation de la situation énergétique mondiale entre le France et l’Angleterre.

Contexte

Anciens exportateurs d’hydrocarbures, les Britanniques voient leurs champs de pétrole et de gaz de la mer du Nord décliner depuis 10 ans. L’information concernant l’état des réserves de pétroles mondiales est largement relayée par la presse, alimentant le débat public, renforçant la lutte contre le réchauffement climatique

Au plus haut niveau sont écrits des rapports sur le ‘peak oil’ et ces possibles conséquences économiques et sociales [2]. Les Anglais investissent par ailleurs massivement dans des sources d’énergie non fossile (éolien offshore, nucléaire,…), dans les transports collectifs et vélos, etc. Ils ont introduit une taxe carbone, et prennent en compte le carbone contenu dans la commande publique.

Au niveau local se met en place un réseau de ‘villes en transition’ [3], regroupant plus d’un millier de villes, quartier ou district, destinés à renforcer la résilience de ces communautés, c’est-à-dire leur capacité à résister à un choc externe. Certaines sont de véritables laboratoires,  expérimentant des monnaies complémentaires, des cartes de rationnement ou de nouvelles techniques agricoles.

Bristol s’inscrit dans ce mouvement de ville en transition. La taille de la ville, son importance économique et la qualité de son rapport en font un bon exemple de ce qui se passe outre-Manche et du niveau de prise de conscience des problématiques énergétiques.

« Peak oil Report – Building a positive future for Bristol after Peak Oil »

Ce rapport de 100 pages, publié il y a quelques mois par le conseil municipal de Bristol, commence par expliquer en quoi le pétrole est important, et les raisons qui font qu’il va devenir de plus en plus rare en cher. Il cite l’Agence Internationale de l’Énergie [4], les études de Total, de Shell, de BP ou d’Aramco, explique qu’il n’y pas d’alternative disponible suffisamment rapidement, et rappelle le lien avec le réchauffement climatique.

Le rapport synthétise ensuite les vulnérabilités de Bristol au Peak Oil, tels que la hausse du prix des transports et de l’alimentation, les risques de ruptures en alimentation ou en médicaments, le ralentissement économique lié au renchérissement des matières premières et des transports, l’impact sur les services publics dépendant du pétrole (police, collecte des ordures, …) ou de son prix (chauffage des bâtiments, couts des réparations,..), etc…

Le chapitre suivant étudie les possibles conséquences sociales, citant les exemples de paniques intervenus lors de précédentes ruptures d’approvisionnement, l’augmentation des inégalités, l’impact sur l’emploi (rappelant que chaque choc pétrolier a été suivi d’une augmentation du chômage) , la croissance économique (citant les modèles de Ayres sur le lien entre PIB et prix de l’énergie [5] ), le resserrement du crédit (credit crunch). Le chapitre conclut par la nécessité d’augmenter la résilience de la ville au Peak Oil.

Le rapport traite ensuite des transports, notamment l’accès aux magasins et aux lieux de travail, l’efficacité énergétique des moyens de transport, l’importance des vélos, la grande vulnérabilité de certaines industries. Suit une liste de propositions ambitieuses, mais globalement classiques.

Le chapitre suivant, concernant l’alimentation, rappelle l’importance du pétrole pour produire la nourriture (engrais, mécanisation, transport, stockage réfrigéré …)  et les risques importants de crise alimentaire. Il propose des actions telles que relocaliser les productions alimentaires, produire de la nourriture dans la ville, former les citoyens à produire et stocker les aliments, former les agriculteurs à des types de production moins dépendante du pétrole…

La vulnérabilité du système de santé à des coupures d’approvisionnement est ensuite analysée, ainsi que l’impact du prix de l’énergie.  Sont proposées entre autres une relocalisation des soins, une adaptation des pratiques médicales, l’information des citoyens, …

Le chapitre suivant traite des services publics (police et pompiers ont besoin de pétrole, il en faut aussi pour le bitume …) ,  l’impact de l’inflation et du prix du pétrole sur les ressources publiques, l’action sociale, le nombre de crimes et délits, … .  Bristol prévoit d’augmenter les surfaces maraichères, réduire l’énergie nécessaire à collecter et traiter les ordures,  préparer des procédures et des lieux d’accueils d’urgences (par exemple en cas de crash économique), constituer un stock de pétrole municipal,…

L’économie est le thème suivant, dans lequel les vulnérabilités de chaque secteur sont analysées, pour cause de pétrole cher, difficulté de transport et d’approvisionnement, resserrement du crédit, volatilité des prix, …. Parmi les actions proposées, notons l’introduction d’une monnaie locale, la relocalisation des approvisionnements, l’amélioration des transports publics.

Le dernier chapitre est consacré à la production et aux consommations d’énergie, par exemple l’énergie nécessaire à pomper et purifier l’eau potable. Parmi les actions, favoriser la sobriété énergétique et en eau, micro-génération à partir de biomasse, mécanisation des déchets, …

La 3e partie synthétise une centaine d’actions possibles pour minimiser les vulnérabilités de Bristol au peak oil, et les indicateurs pour suivre ces actions.

Le rapport est précédé d’un résumé pour décideur, et suivi d’annexes pédagogiques expliquant les problématiques énergétiques ( Peak Oil, énergies alternatives, ressources nationales) et présentant ce qui se fait ailleurs (notamment à Portland, USA).

‘Résilience’ versus ‘Développement Durable’

Ce rapport illustre la différence de niveau  de conscience de la réalité du pic de production du pétrole entre Britanniques et Français. En France par exemple aucun scénario de politique publique (transports, aménagement urbain ou  territorial …)  ne prend en compte explicitement l’hypothèse d’une hausse du prix de l’énergie, pas plus que les plans climats territoriaux ne s’intéressent aux conséquences de la réduction des stocks d’hydrocarbures, qui est pourtant la contrepartie de l’augmentation du CO2 atmosphérique.

Alors que Bristol se soucie de sa résilience aux chocs énergétiques et imagine la reconversion de son industrie, une ville similaire comme Toulouse se presse lentement pour concevoir un plan climat.

Résilience’ d’un côté de la Manche, ‘développement durable’ de l’autre côté.  Actions locales  avec forte implication citoyennes d’un coté, plan climats imposés par le ministère de l’autre.

Tandis que les Anglais estiment que les alternatives au pétrole sont loin d’être prêtes industriellement et anticipent la ‘descente énergétique’, nous pratiquons la litote de la ‘croissance verte’ et mettons tous nos espoirs dans des révolutions technologiques à venir.

Nous planifions pour réduire vertueusement nos émissions de gaz à effet de serre, ils planifient pour assurer leur sécurité alimentaire et la survie du système social.

Gouverner c’est prévoir et anticiper les risques à venir. L’exemple des villes en transition montre qu’une démocratie peut se préparer à des changements profonds, et agir avec ses citoyens pour maintenir l’essentiel.

Espérons que ce pragmatisme anglo-saxon inspirera les politiques de nos villes et l’action citoyenne dans les prochaines années.
— Thierry Caminel
Ingénieur

(Ce document peut être redistribué et utilisé sans restriction)


Référence :

[1] http://www.bristol.gov.uk/ccm/content/Environment-Planning/sustainability/file-storage-items/peak-oil-report.en
[2] par exemple

[3]  (en) http://www.transitiontowns.org/ ; (fr)  http://villesentransition.net/

Sur l’approvisionnement en nourriture de Bristol : http://www.bristol.gov.uk/ccm/content/Health-Social-Care/health-policy/food-for-bristol.en

[4] (en) http://www.independent.co.uk/news/science/warning-oil-supplies-are-running-out-fast-1766585.html
[5] (en)“Economic Growth  and cheap oil” –  http://www.cge.uevora.pt/aspo2005/abscom/ASPO2005_Ayres.pdf

Alors, qu'en pensez vous?

Vous deveez être connecté pour publier un commentaire.